Accueil > Présentation de nos activités > Sorties nature > Année 2024 > Compte-rendu du séjour de Printemps en Ardenne

Compte-rendu du séjour de Printemps en Ardenne

16 juillet 2024

A propos des photos : elles sont toutes "cliquables" pour les voir sous leur meilleur jour !

C’est donc en Ardennes (le département "des"), que nous guident nos pas en ce Printemps 2024.
Mais bien sûr nous en profiterons pour nous balader en Ardenne (sans "S", région franco belge !)

Départ le 3 mai à la découverte d’une région peu connue de la majorité d’entre nous.
Rendez-vous à Haybes, près de Fumay, au nord du département des Ardennes. Nous sommes au cœur du territoire qui se faufile dans le sillage de la Meuse à travers le plateau ardennais pour former, de Revin à Givet, une sorte de presqu’ile française de 25 km de long et 10 de large en territoire belge. C’est la Pointe de Givet, encore appelée " la Botte " ou " le Doigt ".
Au programme, découverte de la nature et du patrimoine. Les seize participants se sont logés aisément dans l’immense gîte de Moraypré déserté de tout habitant sauf l’aide cuisinière. Ce centre de loisirs en bord de Meuse peut héberger jusqu’à 90 personnes, en général des classes vertes. Nous étions en demi-pension et curieusement le fromage n’existait pas. Des âmes généreuses ont complété les repas avec pâtisseries et boisson locale, devinez laquelle.
Temps frais et capricieux, mais toutes les sorties ont pu se faire et une seule a goûté à la pluie… Ce n’était pas gagné au départ !
Avant de parler parcours et découvertes, nous remercions Michel et ses cousins ardennais dont les bons tuyaux nous ont permis de connaître des guides épatants

Notre groupe

A notre arrivée, un sympathique comité d’accueil nous attendait. Thierry Dewitte, guide nature et patrimoine bénévole de l’association Le Viroinvol(de Viroinval, commune belge toute proche), notre principal contact pour préparer ce séjour, avait réuni notamment Guy Lépine, guide historien de Haybes, chargé de nous faire visiter et conter sa ville en cette fin de journée, et Arnaud Fosset, guide paysages et patrimoine, qui allait nous accompagner trois jours plus tard.

La Meuse à Haybes

Sur la rive droite d’une boucle de la Meuse, Haybes (1800 habitants) trouve sans doute son origine dans une très ancienne activité de flottage de bois. Le 24 août 1914, nous explique notre guide, la ville a été presque entièrement détruite, ainsi que 70 civils massacrés, par un bataillon de hussards allemands qui avait subi des tirs des troupes françaises présentes dans les hauteurs.
Les raisons de cet acharnement exercé sur Haybes, alors que Fumay à 3 km n’a pas subi de bombardement, restent mystérieuses. Haybes sera occupée par l’armée allemande pendant les 4 ans de guerre avec les nombreuses exactions que l’on peut imaginer. Notre site d’hébergement de Moraypré a joué un rôle important car le château avait été transformé en hôpital cependant que la Kommandantur occupait les bâtiments annexes.

Le singulier monument aux morts de Haybes (1926) témoigne de la marque profonde laissée ici par la Grande Guerre. Il symbolise, sous les traits d’un adolescent chargé de livres, la victoire de la culture et de l’humanisme sur la barbarie.
Souvent appelée " Haybes-la-Jolie ", la commune, reconstruite dès la fin de la guerre, présente une belle unité architecturale dans le style des années 1920 avec des façades de brique ou de pierre décorées.

Détails d’architecture
à Haybes
Autres détails
d’architecture

On y retrouve sur tous les toits l’ardoise du pays et sa couleur " gorge de pigeon ". Comme nous le verrons plus loin, l’extraction d’ardoise a fait pendant plusieurs siècles, en culminant fin XIXème, la richesse, la réputation et l’identité de cette vallée.
A Haybes ont existé plus de 50 exploitations.

Quelques mots sur la Meuse, fleuve majestueux et omniprésent dans la vie de ce territoire. Ses multiples méandres ont chacun permis l’implantation d’une ville ou d’un village sur sa rive la plus hospitalière (Revin, Fumay, Haybes, Chooz, …). Du sud au nord, grossie pendant des centaines de millions d’années par la Moselle (son affluent qu’elle a perdu au début de l’ère quaternaire au profit de la Meurthe et du Rhin), la Meuse a réussi la prouesse rare de " couper " perpendiculairement deux massifs anciens de roches dures, les schistes de l’Ardenne en France puis les grès de la Fagne et de la Famenne en Belgique, ainsi qu’une étroite bande calcaire intercalée, la Calestienne. Cette dernière court d’ouest en est sur une centaine de km et rencontre la Botte en son centre au niveau de Givet, d’où le nom de givétien donné au niveau géologique du Dévonien qui l’a vue se former (- 300 millions d’années !). Elle fournit de magnifiques blocs de calcaire gris-bleu dont sont faites ou ornées de nombreuses maisons dans la région.

Mais revenons au massif ardennais schisteux et ardoisier. Nous en avons eu un aperçu trop bref mais intense les 4 et 5 mai, successivement sur les pentes boisées de la vallée puis dans les hauteurs. Depuis la Meuse, le massif s’élève progressivement vers l’est : 100 m d’altitude à Haybes, 400 m au Thilay, 500 m à la Croix Scaille (frontière belge) et 700 m à la frontière allemande. Dès que l’on commence à grimper, les habitations deviennent rares et isolées au sein d’une forêt presque continue, essentiellement constituée de feuillus et entrecoupée de parcelles plantées d’épicéas.
A la question de Thierry Dewitte " souhaitez-vous un séjour nature ou randonnée ? ", nous avions répondu " nature " et ce fut une vraie merveille.
Naturaliste accompli, Thierry est aussi érudit et pédagogue sur les plantes que sur les animaux et nous avons particulièrement apprécié son souci constant de replacer toute chose qu’il nous montrait dans son environnement, son contexte écologique. Il allait nous instruire pendant 2 jours sur la forêt, sur les zones ardoisières, sur les milieux humides du haut plateau et même sur les prairies des fortifications de Rocroi. Il eut fort à faire pour nous apprendre à reconnaître les oiseaux à leur chant, si nombreux dans la forêt d’Ardenne. En plus de cela, Thierry n’était pas seul ! Celle qui nous l’avait fait connaître, Catherine Samain, de Givet, botaniste férue de plantes comestibles, nous avait fait le plaisir d’être là aussi. Et elle aussi fut assaillie de questions tout le long des chemins, auxquelles elle répondait avec patience et pédagogie...

Le matin du 4 mai, partis de la Maison du randonneur de Haybes tout près de Moraypré, une grande boucle de 6 km devait nous permettre de remonter dans la forêt le cours du Mohron, petit affluent de la Meuse. En fait notre groupe a uniquement parcouru 2 km tant l’herborisation et l’écoute des oiseaux ont captivé tous nos sens ! Côté plantes, nous sommes devenus experts (hum !!) en détermination basée sur la reconnaissance des feuilles, car à l’ombre du sous-bois beaucoup de fleurs n’étaient pas encore là. En ce début mai sont présentes alliaire, stellaire, consoude, cerfeuil des bois (à ne pas confondre avec la cigüe !), cardamine, vesce, grande berce, gaillet grateron, reine des prés, bardane, anémone sylvie, grande luzule… Le houx se plaît là aussi (et de plus en plus) mais seulement des pieds mâles, qui confieront leur pollen aux insectes visiteurs…

Charme vrillé

N’oublions pas les arbres, chênes, châtaigniers, hêtres ainsi que les charmes dont certains présentent un étonnant tronc vrillé.

Quand le regard ne plonge pas vers le sol et ses plantes, les yeux et les oreilles se tournent vers un des nombreux oiseaux de la canopée : rouge gorge, pic épeiche, fauvette à tête noire, pouillot véloce, grive musicienne, merle, troglodyte, mésange charbonnière, pinson, martinet ; nous les avons entendus plus que vus… Mais le cincle plongeur,

Sous le vieux pont
...le cincle y habite !

qui préfère la proximité des ruisseaux, nous a gratifiés de son ballet au-dessus de l’eau vive et sous le vieux pont de pierres où était son nid.
Bientôt nous atteignons un grand tertre en clairière qui témoigne d’une ancienne activité ardoisière.
C’est un verdeau, nom local du tapis de débris d’ardoises qui jonchent le sol. S’y est adaptée une végétation particulière, supportant des épisodes de forte sécheresse comme la bruyère, la callune, le lamier jaune, la lysimaque couvre-sol, l’épervière piloselle et surtout des lichens blanchâtres qui tapissent le sol.

Un verdeau

Quelques bouleaux et un buisson de bourdaine fleurie sont disséminés dans ce paysage très particulier, mais nous y avons vu aussi le sceau de Salomon, la Germandrée scorodoine, la fétuque. Sur le bord du tertre, dans la colline rocheuse, une porte dans une maçonnerie un peu enterrée ouvre sur une longue galerie bordée de schistes aux couleurs chatoyantes qui s’enfonce dans les profondeurs :

Entrée de l’ardoisière

c’est l’ouverture d’une ancienne ardoisière. L’accès est barré mais le spectacle est saisissant.
La balade touchait presque à sa fin quand la pluie s’est invitée de façon insistante. Le préau de la Maison du randonneur, et la maison elle-même, très accueillante, nous ont été salutaires pour pique-niquer. Et nous avons savouré le cake à l’égopode de Catherine, une des plantes identifiées le matin même…

L’après-midi, nous filons à Fumay découvrir le tout jeune musée de l’ardoise de la ville, le musée Michel Paradon. Notre visite est conduite par M. Massé, un élu passionné de sa ville, de son passé et des ardoisières, mais aussi de son futur, avec une reprise d’activité dynamique tournée vers le tourisme. Après 2h de visite, les questions fusent encore sur le travail dans les mines, où il faut détacher des plaques de la veine de schiste dressée en diagonale en l’attaquant par dessous. Les plaques sont de 80 kg et sont remontées à dos d’homme !

Les ardoisiers au travail

La technique : s’incliner suffisamment pour réduire la portée en répartissant le poids… Les conditions de travail étaient terriblement éprouvantes et la schistose ne fut reconnue qu’en 1949 comme maladie professionnelle. Ces plaques doivent être débitées dans les 48h, sinon elles sèchent et deviennent cassantes. Le résultat est une ardoise fine (jusqu’à 3 mm) et de forme variée.

Ardoises diverses !

Ensuite c’est la descente vers le Nord par les innombrables péniches sur la Meuse. Un des gros acheteurs est l’Angleterre ! La dernière ardoisière de Fumay a fermé en 1971, alors qu’il y en avait eu jusqu’à 300 auparavant (et aussi 96 cafés pour 6000 habitants…).
Fumay était aussi une importante cité de métallurgie jusque dans les années 1980. De plus de 6000 habitants en 1968, elle en compte seulement la moitié aujourd’hui.

Le 5 mai, nous grimpons en voiture vers les Vieux Moulins de Thilay à travers la forêt de feuillus interrompue par quelques plages d’épicéas ravagées par les scolytes et souvent déjà coupées. En route nous profitons d’une trouée dans la forêt, à la Platale,

Fumay

pour admirer une magnifique vue sur Fumay lovée dans sa boucle de la Meuse. Puis nous nous éloignons vers l’est.
Arrivée à 400m d’altitude dans un vieux hameau avec ses toits à croupette

Maison à croupettes

caractéristiques (toits à pan coupé sur les pignons). Sur ce plateau nous évoluons en milieu plus ouvert, la forêt est moins présente et ce sont les zones humides qui retiennent notre attention. Comme la veille, nous avions un programme ambitieux de marche qui se réduira à 2km d’exploration ! Nous avons pu observer (des yeux ou des oreilles) le rouge-queue à front blanc, relativement abondant dans cette zone, le faucon crécerelle mangeur exclusif de petits rongeurs, surtout des campagnols, des buses variables amatrices de limaces et de vers de terre quand manquent les petits rongeurs, la bergeronnette, le pouillot fitis, le pinson des arbres, la mésange bleue, le merle à plastron, le coucou bien sûr.
Parmi les plantes, nous rencontrons l’alchémille, le saule marsault, la coronille, la doucette ou valérianelle, le gaillet caille-lait, l’achillée millefeuille, l’égopode, le polygala…

Mais surtout nous avons pu voir une tourbière en formation

Travail de castor !

(âgée d’environ 30 ans), preuve encourageante de reconquête de zone humide alors que les marais ont tendance à s’assécher partout ailleurs. Des castors en sont les artisans. Plus bas nous avons pu observer leurs ouvrages à loisir : en construisant de larges barrages de branches entremêlées, où ils installent leurs abris souterrains, ils laissent monter le niveau d’eau créant ainsi de nouvelles retenues. La grande aigrette s’y est récemment réinstallée alors qu’elle avait depuis longtemps déserté cette zone. Les castors se sont arrêtés là, tout en amont d’un petit cours d’eau qu’ils ont colonisé par construction de barrages successifs en remontant jusqu’à la source. Les jeunes adultes dès leur deuxième année, quittent le nid et redescendent le cours d’eau pour aller coloniser un autre ruisseau qu’ils remonteront à leur tour. Au bord des prairies inondées nous avons trouvé des raretés :

Orchis tacheté
Valériane

une petite valériane dioïque à fleurs roses, la potentille des marais (ou comaret), l’Orchis tâcheté. Et plus fréquentes et abondantes, la renouée bistorte, la raiponce, le callitriche, la luzule champêtre, la gesse des montagnes, la coronille, un carex, l’oseille, le rumex, l’angélique, la succise des prés, la lysimaque commune, la scorsonère, la pulmonaire… Sur le parcours, nous avons aussi parlé du blaireau à "pattes d’ours" et du raton laveur particulièrement futé !

Les vieux hêtres

Et admiré un extraordinaire alignement de vieux hêtres immenses aux formes biscornues, vestige d’une ancienne haie.

Pour déjeuner, en route vers les Hauts Buttés ! Nous sommes à présent sur les hauteurs de Monthermé, sur un plateau à 500m d’altitude qui offre un paysage ouvert avec des prés. Pique-nique bien à l’abri cette fois, dans un chalet que trouve le pèlerin venu prier St Antoine au sanctuaire des Hauts Buttés. En direction de Rocroi, nous nous arrêtons quelques instants au-dessus de Revin devant le monument impressionnant à la mémoire de 106 jeunes du maquis des Manises massacrés le 12 juin 1944.
Arrivée à Rocroi sous un ciel gris anthracite.

Rocroi

Nos intérêts historique et naturaliste se rejoignent. Cette petite ville de 3000 habitants a été un point fort de défense du royaume de François 1er puis Henri II, l’empereur Charles Quint étant établi à quelques 30 km de là, au fort de Charlemont à Givet en territoire des Pays-Bas espagnols. Dès 1550, un bastion en étoile à 5 branches est édifié, qu’un siècle plus tard Vauban consolidera encore par une enceinte extérieure. La ville reste enserrée derrière les murailles qui l’ont protégée contre les assauts des Espagnols jusqu’à la célèbre bataille victorieuse de Rocroi en 1643 menée par le duc d’Enghien, âgé seulement de 22 ans et devenu par la suite le Grand Condé. Il défie les Espagnols et établit la suprématie de la France sur ces régions. Bien sûr nous avons parcouru le mur d’enceinte et visité le cœur de la ville. L’intérêt pour le botaniste se porte sur la végétation du fossé extérieur : un remblai d’origine fait de déchets d’extraction d’ardoises a permis le développement d’une flore qui n’a jamais connu de pesticides.
Sous nos yeux des colchiques, primevères officinales, orchis mâles et ophrys, violettes à éperon blanc, saules nains. Et ces arbres devenus si rares, l’orme champêtre et l’orme des montagnes. Nous avons aussi entendu le pipit des prés, le pic vert, la linotte et le pinson " adjudant-chef " qui jette son petit juron pour finaliser ses trilles, le chardonneret et son drapeau belge sur la tête. Avec un peu de chance nous aurions pu aussi observer la chouette chevêche qui loge dans le mur de la 1ère couronne de fortifications et le mouton ardennais à poil roux.
Le dimanche soir fin du périple pour Thierry . Un grand merci à lui qui nous a guidés pendant deux jours dans un esprit chaleureux, tout en partageant avec nous ses connaissances approfondies de la région. Merci aussi à Catherine, qui nous a quittés aux Hauts-Buttés.

Le lendemain 6 mai, départ en voiture direction nord puis ouest, passage de la frontière belge et nous voilà à Mazée,

Mazée

village de Calestienne, cette ligne de collines calcaires ente Fagne gréseuse et Ardenne schisteuse dont nous avons déjà parlé. Nous rejoignons Arnaud Fosset, natif de Mazée, qui partage son temps entre son métier de professeur d’histoire géographie en milieu hospitalier à une vingtaine de km, la gestion de la boulangerie de sa femme et les guidances sur le patrimoine et les paysages. La Calestienne est un pays de brasseurs (une brasserie par village dans la première moitié du XXème siècle, même les enfants buvaient de la bière…). La maison d’Arnaud, une magnifique bâtisse de briques au soubassement en pierre bleue de Givet, est une ancienne brasserie. Désormais c’est la boulangerie du village. Nous arpentons avec lui les rues escarpées de Mazée, poursuivis par le camion des éboueurs qui tient à participer à la visite ! Nous passons devant la maison où est né l’écrivain Arthur Masson (le Pagnol belge) qui a son musée à Teignes, pas très loin. Arnaud nous montre le fac-similé d’une carte du village réalisée au XVIIIème siècle et nous explique que toutes les communes des Pays-Bas autrichiens (presque toute la Belgique actuelle) ont été ainsi cartographiées à grande échelle entre 1770 et 1778 par un certain Ferraris. On y voit la structure typique du village de Mazée, avec ses potagers proches des maisons, puis les vergers, puis les champs et pâtures, encore visible aujourd’hui.
Nous admirons aussi l’église fortifiée. Quittant le village, nous rejoignons le plateau en prenant 150m d’altitude par un petit chemin pentu et bien glissant. Passage par une belle prairie sèche réserve naturelle sur le site d’une ancienne carrière. L’aubépine au parfum de miel et le cornouiller nous accompagnent ainsi que le lamier blanc en fleurs et la clématite qui ici en terrain calcaire remplace le chèvrefeuille. En haut, des terres agricoles alternent avec des pâtures, des morceaux de forêt et même quelques vignes nouvellement plantées. Tout cela appartenait à une abbaye jusqu’à la révolution belge largement " exportée " par les Français après avoir aidé à chasser les Autrichiens en 1794.

En redescendant vers Mazée, Arnaud attire notre attention sur une plantation ancienne de pins noirs d’Autriche. Ce reboisement du début XXème siècle, destiné à pallier les dégâts de l’élevage de moutons, a acidifié le sol, conduisant aujourd’hui à la décision de les remplacer par des feuillus.
Dans le bas du village, nous faisons le tour du curieux château de Jean de Condé (XVIIe s.), à la fois ferme et forteresse défensive. La pluie s’annonce, il est temps de traverser la Calestienne pour arriver à sa limite nord. Nous sommes à Romerée, village implanté sur la croupe d’un coteau.

La brasserie
Le brasseur !

La brasserie des Eaux Vives nous y attend. Pique-nique à l’intérieur et dégustation des trois bières maison " La Bichette ", " Dame Bibiche " et " Monsieur Mouche ", avant que le brasseur, ami d’Arnaud, nous initie à toutes les étapes de la fabrication de ce breuvage, dans la grande maison brasserie artisanale. Tous les Abonais, convaincus au premier essai que cette boisson est fort bonne, chargent leurs voitures de caisses de bière ! . Mais pas question de boire à nouveau l’après-midi, car avec le retour des éclaircies nous attend une boucle à pied de 5 km. Nous longeons le bas de la côte le long d’un " ravel " (une ligne du Réseau Autonome de Voies Lentes couvrant toute la Belgique) aménagé sur une ancienne voie ferrée. La différence des paysages entre notre gauche (plaine humide au nord) et notre droite (coteau sec au sud) est manifeste, en correspondance avec la différence des contextes géologiques. En vue du village de Gimnée dont le profil se découpe en haut du coteau, nous bifurquons sur un sentier pentu et caillouteux à travers champs qui nous ramène directement dans la rue principale de Romerée. Celle-ci longe la crète et sa configuration est originale : de chaque côté les maisons sont en contrebas de la rue, le terre-plein traditionnel recevant autrefois le tas de fumier devant la ferme étant préservé. Dans le soleil du soir, nous ne nous lassons pas d’admirer ces solides bâtisses et leurs pierres gris-bleu.

Il ne nous reste plus que le 7 mai au matin pour découvrir Givet, de toute évidence capitale du territoire de la " Botte ". C’est une cité active, magnifiquement bâtie de part et d’autre de la Meuse avec son port et ses deux collines calcaires (nous sommes à nouveau en Calestienne). Celle sur la rive gauche est couronnée par le fort de Charlemont,

Fort de Charlemont
à Givet

œuvre de Charles Quint en 1555, consolidée un siècle et demi plus tard par Vauban (encore lui !). A l’arrière une vaste carrière d’où est extraite la fameuse pierre bleue. La colline de la rive droite ou Mont d’Haurs (mont des noisetiers) avait été aménagée par Vauban en camp retranché pouvant abriter jusqu’à 20 000 hommes en armes. Elle est protégée depuis 1999 par le statut de Réserve Naturelle Nationale (RNN). C’est Virginie Schmitt, Conservatrice de la RNN de la Pointe de Givet, accompagnée de Camille, bénévole d’une association naturaliste locale, qui nous guide et nous instruit sur le milieu naturel de ce site mais aussi sur les objectifs et réalisations d’un Conservatoire des Espaces Naturels (CEN), ici celui de Champagne-Ardenne, dont dépendent les RNN de la région. Toute la difficulté est de maintenir un espace protégé sur des terrains qui sont le plus souvent des propriétés privées et qui doivent rester accessibles au public moyennant le respect de certaines conditions, ni cueillette ni prélèvement par exemple.

Après un détour par la Tour Grégoire

Tour Grégoire

(tour de guet du 11ème siècle) et un salut au grimpereau des jardins qui y niche, nous empruntons un sentier raide et accidenté qui nous mène rapidement au plateau sommital. La vue panoramique sur l’ensemble de la ville nous donne l’occasion d’en savoir plus sur les activités passées de Givet : fabrication de crayons (usine Gilbert), centre de tannerie, fabrication d’une colle à bois renommée à partir des os issus de l’équarrissage,... Ces temps sont révolus et les péniches commerciales et industrielles ne remontent plus au-delà de Givet.

La balade continue sur un sentier en faux-plat dans une végétation de milieux calcaires secs. Nous y trouvons l’armoise blanche, une aubépine rose, la clématite, des ifs communs au toucher doux, de magnifiques petites rocailles de mousses, lichens et sedum sur les pierres et murs. Notre guide nous montre avec fierté une pelouse sèche que le Conservatoire s’évertue chaque année à préserver et à agrandir en luttant contre les arbres sauvages qui envahissent tous les terrains, surtout des bouleaux. L’objectif est de maintenir ouverts ces micro-habitats à la flore et faune très riches qui ont été initialement créés par le bucheronnage et le pâturage. Nous avons eu la chance de voir des espèces rares comme la superbe orchis singe

L’orchis singe

(que notre guide voyait elle-même pour la première fois !), la curieuse néottie nid d’oiseau non chlorophyllienne et la listère à feuilles ovales, toutes trois des orchidées, ainsi que la plus fréquente globulaire allongée, avec ses pompons bleus.

Nous avons admiré l’architecture colossale du fort, la porte monumentale et son pont dormant et sommes restés ébahis sous les arches

Les arches
Fort de Charlemont

construites dans la colline. La citadelle est entretenue par deux associations " les Sentinelles de Charlemont " et " les Loups blancs ".
Après cette dernière matinée de découvertes, sous un soleil généreux, un dernier repas tous ensemble s’imposait. Ce fut à la brasserie de l’Hôtel de ville, un déjeuner bien apprécié.

Un dernier coup d’œil à l’église Saint Hilaire, toute proche, avec son drôle de clocher décrit avec humour par Victor Hugo :

Église St Hilaire
de Givet

" le brave architecte a pris un bonnet carré de prêtre ou d’avocat. Sur ce bonnet carré, il a échafaudé un saladier renversé ; sur le fond de ce saladier, une bouteille ; sur la bouteille, un soleil emmanché dans le goulot par le rayon inférieur vertical, et enfin sur le soleil, un coq embroché dans le rayon vertical supérieur. En supposant qu’il ait mis un jour à trouver chacune de ces idées, il se sera reposé le septième jour. Cet artiste devait être flamand ".
L’église possède aussi de remarquables bas-reliefs en bois et des inattendus vitraux contemporains aux couleurs vives.

Nous ne vous parlerons pas de la centrale nucléaire de Chooz, nichée dans le dernier grand méandre avant Givet et dont nous n’avons vu que le panache des tours de refroidissement… ni de nos super soirées autour du " 6 qui prend ", de la boutique à Fumay que nous avons dévalisée ainsi que de celle du sanctuaire de St Antoine, de la boulangerie extraordinaire de Haybes et de sa taverne brasserie au bord de l’eau … Il fallait être là !

Le retour à la veille du 8 mai, fut éprouvant : deux fois plus long que le voyage aller ! Mais personne ne s’est vraiment plaint : il faut croire que les échanges allaient bon train entre covoitureurs !

Anne Feltz & Marie Nguyen, Mireille Raguet, Martine Bridenne, Claire Ducrocq
Daniel Lemartinel pour presque toutes les photos (mai 2024)

Portfolio

  • A votre santé !
  • La Maison Espagnole à Revin (XVI siècle)
  • Le houx (pied mâle)
  • Une maison à Haybes la Jolie
  • Musée de l'ardoise à Fumay
  • Le groupe en pleine action :)
  • Les Abonais sur la place du marché (place d'Armes à Rocroi)